La salle du conseil des ministres présidé par Adolphe Thiers renaît

Sandrine GAYET

Cet article fait partie du dossier: À la découverte des métiers d’art dans les Yvelines

A partir d’une image, les Archives départementales des Yvelines ont reconstitué la salle du conseil des ministres que présidait Adolphe Thiers. Un lieu où le gouvernement s’est installé après l’incendie des Tuileries lors de la Commune de Paris. Elle est inaugurée 150 après.

le 18 novembre 1872, un photomontage présente Adolphe Thiers présidant le conseil des ministres à l’Hôtel de la Préfecture de Versailles. Photo Nicolas Duprey/CD78

Il y a 150 ans, le 13 novembre 1872, Adolphe Thiers prononce son célèbre discours dans lequel il affirme son attachement à la république :

« Tout gouvernement doit être conservateur, et nulle société ne pourrait vivre sous un gouvernement qui ne le serait point. La République sera conservatrice ou ne sera pas. La France ne peut pas vivre dans de continuelles alarmes ».

5 jours après, le 18 novembre 1872, un photomontage présente Adolphe Thiers présidant le conseil des ministres à l’Hôtel de la Préfecture de Versailles.

C’est à partir de cette image, où l’on voit la séance se tenir au milieu des tableaux chers à Thiers (qui était aussi critique d’art et grand collectionneur), que les Archives départementales des Yvelines ont reconstitué, pas à pas avec le mobilier national, la salle que le public a pu découvrir lors des Journées du patrimoine.

Pierre Bédier, président du Département et le Préfet, Jean-Jacques Brot, ont inauguré la salle rénovée le 17 novembre 2022.

Hélène Guichard-Spica, Conservateur en chef du patrimoine et Directrice des Archives départementales, vous raconte le travail de reconstitution de ce lieu qui a été marqué par l’Histoire :

Derrière cette salle du conseil, la guerre civile

L’installation du gouvernement à Versailles, dans cette salle reconstituée, marque une des pages les plus sinistres de l’Histoire de France : la Commune de Paris.
Tout a commencé le 19 juillet 1870, quand la France entre en guerre contre la Prusse.
Moins de 2 mois plus tard, le 2 septembre, c’est la reddition de Sedan, qui livre aux Allemands l’empereur Napoléon III et quelque 100 000 hommes.

Le 4 septembre, la déchéance de l’empereur est acclamée et la République proclamée. Le gouvernement de la Défense nationale s’empare de Paris.

Paris est assiégée, affamée. Un armistice sera signé le 28 janvier 1871 par Jules Favre et Otto von Bismarck
En février 1871, l’Assemblée nationale, à peine élue et majoritairement conservatrice et monarchiste, quitte Paris. Elle confie alors à Adolphe Thiers le statut de « chef du pouvoir exécutif de la République française ».
Les vainqueurs se voient accorder le droit de défiler le 1er mars 1871 à Paris, dans une capitale en deuil, devant des statues recouvertes d’un voile noir. Les Parisiens ruminent leur humiliation. Après avoir soutenu un siège très pénible, ils se sentent trahis par leurs gouvernants. Le 18 mars 1871, le peuple parisien se soulève. Une terrible guerre civile éclate : la Commune de Paris.

incendie de Paris, 28 mai 1871/Wikimedia

Les Tuileries sont incendiées. Le gouvernement décide alors de s’établir à l’Hôtel de la Préfecture de Versailles. C’est là qu’Adolphe Thiers travaillera et résidera. Ce départ à Versailles est un camouflet pour les Parisiens qui entrent dans une lutte sans merci contre les Versaillais. Du 21 au 28 mai 1871, c’est un bain de sang, la tristement célèbre « semaine sanglante ».

« Dans ma conviction, il n’y a de possible actuellement que la République. Hors de là, on aura une affreuse guerre civile…Je ne prêterai pas à une conduite qui serait à la fois une faute politique et une trahison… Ma maison est démolie, (…). Mes collections sont dispersées. Ajoutez quelques calomnies, et vous aurez le compte de ce que l’on gagne à servir son pays », Adolphe Thiers.

Adolphe Thiers, détesté ou admiré

Adolphe Thiers est un partisan d’une monarchie constitutionnelle. Il a joué un rôle important durant la Monarchie de Juillet. Il a connu plusieurs crises et régimes politiques, a connu tous les grands dignitaires étrangers de l’époque, quand il était aux Affaires étrangères. Homme de son temps, il était aussi un personnage clivant : respecté par les conservateurs et les grands bourgeois, détesté et moqué par le peuple. Décrit comme un bourgeois vindicatif, « massacreur de la Commune », il était aussi un historien qui avait la passion des arts et des cultures du monde entier. Membre de l’Académie française, journaliste puis homme politique sous le règne de Louis-Philippe, il a beaucoup œuvré pour la valorisation du patrimoine national.

La salle du Conseil des Ministres de l'Hôtel du Département