Le Département à la rescousse d’un éleveur bio

SandrineGAYET

Jugés indésirables par des voisins parisiens, Fabien Le Coïdic et sa compagne Agathe Guérin doivent abandonner leur projet de mini élevage bio et se retrouvent à la rue. Le Département les soutient et les héberge au Haras des Bréviaires, en attendant que la situation se débloque.

Agathe Guérin nous présente une des jolies vaches pie qui a donné naissance à un petit. Photo : SG/CD78

Fabien Le Coïdic avec une des juments et son poulain dans une prairie du Haras des Brévaires. photo SG/CD78

Fabien Le Coïdic et sa compagne Agathe Guérin respirent un tout petit peu au Haras des Bréviaires.

Mais c’est une histoire « abracadabrantesque ». Entre un agriculteur certifié bio et une célébrité parisienne qui a sa résidence secondaire à Adainville.
C’est un conflit de voisinage, un mur d’incompréhension, mais pas seulement. C’est surtout le choc de deux visions différentes de ce que doit être la ruralité. D’un côté, une ruralité vivante, dynamique, indispensable pour nous nourrir. De l’autre, une campagne de carte postale pour garden-parties.

Pot de terre contre pot de fer

La campagne, pour Fabien et Agathe, c’est leur gagne-pain, leur passion, leurs rêves. Ils veulent en vivre. Ils ont fait toutes les démarches pour acquérir à Adainville 45 hectares de terrain. Pour y élever des chevaux et y faire paître 12 vaches de race bretonne pie noir menacées d’extinction. Ils souhaitent contribuer aux circuits-courts avec des produits bios de qualité issus de ce petit élevage d’exception. Le troupeau participe aussi à la renaissance de nombreux biotopes autour des mares notamment.

Il ne reste qu’à peine 2 000 vaches de cette race en France. En Ile-de-France je suis le seul éleveur avec un autre basé dans l’Essonne. Ce sont des vaches rustiques qui se nourrissent de peu mais permettent de recréer des biotopes dans les zones humides

explique doucement Fabien, visiblement très meurtri par cette guerre juridique et dépassé par son exposition médiatique.

Son projet, très soucieux de l’environnement, fait l’unanimité parmi les habitants du village, les élus du Département, la préfecture, les responsables de la chambre d’agriculture…

Agathe Guérin nous présente une des jolies vaches pie qui a donné naissance à un petit. Photo : SG/CD78

Le bio et circuits courts oui… mais ailleurs

La campagne pour la partie plaignante (l’éditrice Odile Jacob) c’est une escapade bucolique dans sa propriété, une villégiature dans ce joli coin des Yvelines qu’elle aime certainement profondément. Les circuits courts, les aliments bios, c’est chouette. Mais ailleurs. Pour les plaignants, le motif invoqué est celui de la nuisance olfactive voire sanitaire… Un « préjudice » qui ne marche plus depuis le 21 janvier 2021. En effet, avec la nouvelle loi qui consacre le « patrimoine sensoriel » des campagnes, les sons et les odeurs inhérents aux espaces naturels ne sont plus considérés comme des nuisances.

Néanmoins, depuis des mois, Corinne Lepage, l’avocate de madame Jacob (et ancienne ministre de l’Environnement), enchaîne les actions pour empêcher l’installation de Fabien et Agathe à Adainville.

Résultat : les banques bloquent les prêts du couple d’agriculteurs. Le conflit de voisinage devient pour eux une descente aux enfers, juridique, financière et psychologique, « qui relève du harcèlement » s’indigne un avocat.

Le tribunal administratif et le Conseil d’Etat ont bien donné raison aux agriculteurs mais les opposants poursuivent les recours, jouant sur l’usure et l’argent que coûte cette affaire en frais d’avocats.

C’est un projet de taille Playmobil qui répond parfaitement à ce que nous souhaitons dans nos campagnes

explique Jean-Marc Raimondo, maire d’Adainville, qui révèle être harcelé et menacé pour avoir donné son feu vert au projet d’installation.

de gauche à droite : Pauline Winocourt-Lefèvre, Vice-présidente du conseil départemental, déléguée à la Ruralité; Agathe Guérin, agricultrice, Pierre Bédier, Président du Département des Yvelines et Fabien Le Coïdic, agriculteur certifié bio. Photo : SG/CD78

Le Département à la rescousse

Face à ce drame humain, les élus du Conseil départemental ont décidé à l’unanimité d’aider Fabien et Agathe. Moyennant un modeste loyer, ils viennent de s’installer au Haras des Bréviaires, propriété départementale qui accueille déjà un peloton de la gendarmerie nationale équestre.

Ce conflit, c’est le pot de terre contre le pot de fer. Nous sommes là pour rééquilibrer les forces

explique Pierre Bédier, président du Département des Yvelines.

Pauline Winocour-Lefèvre, vice-présidente du Conseil départemental, déléguée à la ruralité, Clarisse Dumont et Xavier Caris, élus du canton de Rambouillet, sont allés au haras témoigner à Fabien et Agathe de leur total soutien. Ce drame, l’a rappelé Pierre Bédier, n’est pas un fait isolé dans les Yvelines. C’est pour éviter de telles issues que les élus du Conseil départemental réfléchissent avec la Chambre régionale d’agriculture à la création d’un fonds d’aide qui permettrait de préserver la ruralité yvelinoise.

La ruralité ne doit pas être un conservatoire des espèces en voie de disparition. Pour les agriculteurs, c’est un travail, une activité économique, un projet de vie. Le Département sera toujours à leurs côtés