Sur la Lune !

SandrineGAYET

Le dimanche 20 juillet 1969, à 22 h 56 heure américaine, lundi 21 juillet à 3 h 56 min 20 s heure française, les Terriens retiennent leur souffle : Neil Armstrong pose le pied sur la Mer de la Tranquillité. L’alunissage a eu lieu quelques heures plus tôt devant quelque 600 millions de téléspectateurs. Qui ont entendu cette phrase à jamais gravée dans leur mémoire et dans l’Histoire de la conquête spatiale : « That’s one small step for (a) man, one giant leap for mankind » (C’est un petit pas pour l’homme, (mais) un bond de géant pour l’humanité).  

Neil Armstrong va poser le pied sur la Lune/Paris Match édition du 16 août 1969

Souvenirs…

Je dormais. Ma mère est venue me réveiller. En pyjama, dans le salon, avec la famille scotchée devant la télévision en noir et blanc, je me suis assise par terre. L’ambiance était calme et agitée, comme avant un orage. Puis les « grands », mes parents, mon frère, ma sœur, oncles et tantes et même des voisins présents dans cette nuit vraiment bizarre, ont poussé des cris de joie, et j’ai même vu des larmes dans leurs yeux. Et moi je ne comprenais pas bien pourquoi regarder marcher un bonhomme dans le « presque noir » était une telle fête, ce n’était même pas Noël. Mais j’ai ri avec eux, c’était tellement joyeux. J’avais 5 ans.

C’était à la Celle-Saint-Cloud, la nuit du 20 au 21 juillet 1969. Il y a exactement 50 ans. Nous faisions partie des quelque 600 millions de Terriens à suivre en direct cet événement télévisuel hors normes. Neil Armstrong venait de marcher sur la Lune. Marquer de ses pas la Mer de la Tranquillité. Les souvenirs des uns et des autres restent très vivaces.

« On a suivi cet événement historique, en direct, pendant plusieurs jours. C’était retransmis quasi non-stop. On savait que l’on vivait quelque chose d’extraordinaire », me racontent les uns et les autres.

Certains avaient même acheté un téléviseur pour ne rien rater.

Grâce à un dispositif exceptionnel déployé par la NASA, la mission lunaire est racontée pendant huit jours par les télévisions du monde entier, avec 3.500 journalistes accrédités à Houston et 36 chaînes de télé, sans oublier l’apothéose, un direct de 31 heures aux États-Unis pour vivre les premiers pas sur la Lune. Jamais la transmission de données par satellite n’a été aussi performante et les images sont retransmises en mondovision (dans le monde entier, à l’exception de la Chine et du bloc soviétique).

Extrait d’une dépêche de l’AFP 

Il est 22H56 au centre spatial de la Nasa de Houston ce dimanche 20 juillet 1969 quand Neil Armstrong pose le pied sur la Lune. Pour couvrir l’événement, l’AFP a dépêché à Houston plusieurs envoyés spéciaux.
La dépêche ci-dessous, diffusée au petit matin du 21 juillet, est leur récit minutieux des heures passées par Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur le sol lunaire.

MER DE LA TRANQUILLITE (AFP) – Dimanche à 22H56, heure américaine (c’est-à-dire lundi 02H56 GMT), Armstrong, après un interminable suspense, pose le pied sur la Lune.
Tout avait commencé quelques heures auparavant lorsqu’ Armstrong, seul maître à bord, avait brusquement annoncé au monde qu’il sortirait du LEM cinq heures plus tôt que prévu. A ce moment, le film historique de la descente puis des premiers pas sur la Lune commence.
19H42 (23H42 GMT). Les astronautes entament leurs préparatifs de sortie. Ils se coiffent de leur casque à double visière, chaussent leurs bottes, mettent leurs gants spéciaux renforcés, endossent leur harnais de survie, en vérifient le fonctionnement des systèmes de pressurisation, communication radio et alimentation en oxygène.
19H50 (23H50 GMT). La Nasa annonce que ces préparatifs dureront deux heures. Armstrong ne sortira donc pas avant 22H00 (02H00 GMT).
21H55 (01H55 GMT). Ils dépressurisent leur habitacle et pressurisent en même temps leur combinaison lunaire.
22H00 (02H00 GMT). Le vide se fait dans le « LM ».
22H15 (02H15 GMT). Ils ont fini de pressuriser leur scaphandre.
22H28 (02H28 GMT). Tout va bien. Le « LEM » reste entièrement dépressurisé. Ils dépendent maintenant totalement de leur harnais de survie.

Couverture du Paris Match spécial Lune paru le 16 août 1969

« Bond de géant » 

22H56 (02H56 GMT). Armstrong pose le pied gauche sur la Lune et déclare: « C’est un petit pas pour l’homme. C’est un bond de géant pour l’humanité ».
Ce sont les premières paroles de l’homme à la surface de la Lune. Avant de poser fermement le pied sur le sol, le commandant de bord avait prudemment tâté la surface pour en vérifier la résistance.
« Mon pied ne pénètre que d’un huitième de pouce… Il ne semble pas qu’il y ait de difficultés à marcher. Non, absolument aucune difficulté pour se déplacer », s’exclame Armstrong, surpris, en faisant ses premiers pas.
« Ca m’a tout l’air d’être plus facile qu’en état de simulation de la gravité lunaire. C’est très intéressant. La surface est très tendre en général, mais il y a des endroits plus durs, le sol a une grande cohésion ».
Les évolutions d’Armstrong, qui semble effectivement se déplacer avec aisance sur la Lune, et son monologue, sont retransmises en direct sur tous les écrans du monde. Les téléspectateurs, où qu’ils soient, peuvent voir le conquérant de la Lune descendre les neuf degrés de l’échelle, poser le pied, tâter la surface, lâcher le dernier barreau auquel sa main s’accrochait encore, faire ses premier pas, ramasser le premier échantillon du sol lunaire.
Cet échantillon, un peu de poussière de Lune, il le ramasse au pied même de l’escalier du module, avec une sorte d’épuisette munie d’un manche télescopique qu’il sort de sa poche.
Il soulève alors son chargement, ferme l’épuisette hermétiquement, jette le manche, premier des détritus terrestres qui joncheront le sol de la Lune après le départ des astronautes, et enfouit la moisson dans sa poche, à l’aveuglette, guidé par Aldrin qui, du haut de la plateforme de sortie du « LM » observe tous ses gestes.
Il est alors 23H15 (03H15 GMT). Armstrong a déjà passé 19 minutes seul sur la Lune, 19 minutes pendant lesquelles, dans l’indéfinissable solitude de la planète morte, il a constamment fait preuve d’une parfaite maîtrise de soi.
A ce moment, son co-équipier, Edwin Aldrin, fait son apparition à la surface de la Lune, une apparition bondissante.
Assuré que la Lune ne lui réserve aucune traîtrise, après l’expérience d’Armstrong, le pilote du module lunaire saute carrément de l’échelle et atterrit, lui aussi, du pied gauche.

Le gouffre noir de l’univers 

Les deux hommes, alors, unis dans un même geste patriotique, plantent le drapeau américain sur la Lune puis lisent à haute voix l’inscription gravée sur la plaque fixée au palier de descente du « LM » qui restera sur la Lune, symbole de sa conquête par l’homme: « Ici des hommes de la planète Terre ont fait leurs premiers pas sur la Lune. Juillet 1969. Nous sommes venus dans un esprit de paix pour toute l’humanité ».
Ayant accompli leur geste symbolique, les astronautes déplacent la caméra, fixée au module, qui n’a cessé de déverser des images d’une Lune blanche, dont l’horizon s’inscrit en biais sur un fond très noir. Armstrong la prend et la pend à son cou.
L’image se met alors à danser sur les petits écrans. Le commandant de la mission Apollo se met en marche et installe la caméra sur un trépied.
Une vue panoramique s’offre aux regards: le module à l’arrière-plan, une infinité de trous minuscules étendant des ombres démesurées au premier plan, au loin l’horizon dont la rondeur apparaît nettement, véritable ligne de démarcation entre une surface scintillante sous la lumière solaire et le gouffre noir de l’Univers.
L’image ne cesse de gagner en netteté. On distingue les traces de pas des astronautes sur le sol gris blanc de la Lune. On aperçoit la bannière étoilée fermement plantée.
Les deux hommes continuent leurs évolutions. Ils avancent avec une facilité étonnante, véritable pas de danse. Un étrange ballet se déroule sur la Lune. Leur lourd scaphandre, véritable cuirasse ignifugée, renforcée aux articulations et alourdie encore par le harnais fixé au dos, ne semble pas les gêner. Ils évoluent avec une légèreté et une mobilité surprenantes.

 

A 13H55 (17H55 GMT), ils doivent décoller de la Lune pour rejoindre la cabine de commande où gravite toujours, seul à bord, leur co-équipier, Michael Collins, une des seules personnes au monde qui ne put suivre leurs activités à la télévision. Collins, cependant, était tenu au courant des évolutions de ses camarades par contact radio. Il veillait d’en haut sur eux et quand on lui apprit que leur expédition s’était soldée par un triomphe et qu’ils étaient sains et saufs à bord du « LM », il manifesta sa joie et son soulagement par ce seul mot: « Alléluia ».