Le pari écologique et économique des agriculteurs de Sonchamp

NicolasThéodet

Produire de l’énergie dans les fermes de Sonchamp. C’est le pari de six agriculteurs locaux qui ont réuni leurs atouts et leurs exploitations dans la création d’une unité de méthanisation dans le sud Yvelines.

L’équipe d’agriculteurs du Sud-Yvelines se lancent dans un projet ambitieux mais passionnant © CD78 / N.Duprey

C’est une vaste étendue de terre qui fait la jonction entre la Haute Vallée de Chevreuse et la Beauce. Au cœur des terres agricoles du sud Yvelines, à Sonchamp, c’est l’activité rurale qui fait vivre le territoire. Pourtant, les exploitations environnantes souffrent depuis plusieurs années des aléas climatiques, des cours de la bourse céréalière, ou même des préjugés qui touchent les agriculteurs. « Pour assurer l’avenir de notre métier. On doit penser à diversifier notre activité. Faire quelque chose qui crée un lien social », explique Christophe Robin, agriculteur à Sonchamp. Si le volailler tient de tels propos, c’est qu’il a décidé, en 2018, avec cinq confrères installés à proximité, de créer une unité de méthanisation dans le sud Yvelines.

Un projet innovant soutenu par le Conseil départemental

La méthanisation est un procédé qui vise à fermenter les déchets agricoles afin de produire du méthane. Ce gaz vert, source d’énergie renouvelable, peut ensuite être revendu. Jugé écologique et efficace, le projet des six agriculteurs est soutenu par tous les acteurs de la vie agricole locale et notamment le Conseil départemental qui engage une subvention de 360 000 euros pour sa réalisation. « Le développement de la filière méthanisation dans les Yvelines constitue un fort potentiel et présente de nombreux intérêts écologiques et économiques. Il permet également d’assurer une indépendance énergétique au territoire », explique Laurence Lalanne, chef de projets agriculture et énergies au service du développement du territoire. « Le soutien du Département aux projets structurants de méthanisation sur son territoire conforte son engagement en faveur du développement durable », précise-t-elle.

C’est au coeur des champs que l’unité trouvera sa place, à proximité de toutes les exploitations engagées dans le projet. © CD78 / N.Duprey

La création de ce méthaniseur est d’ailleurs le fruit d’une profonde réflexion : « Nous sommes accompagnés depuis des années par la Chambre d’Agriculture qui nous propose des formations », explique l’agriculteur, « à force de nous rencontrer, l’idée de créer un méthaniseur a germé dans notre esprit ».  C’est à la ferme de Renonvilliers que sera construite l’unité. Elle aura pour objectif de produire l’équivalent des besoins de 200 foyers en gaz dans la commune de Rambouillet. La ville utilisera même l’énergie produite pour alimenter sa piscine municipale.

« Alors que nous sommes en pleine période d’agribashing, il est important de montrer que notre métier participe aux évolutions de la vie sociale », confie Christophe Robin.

Pour Romuald Ameline, un autre agriculteur engagé sur le projet, « nous apportons aux foyers une énergie renouvelable. A un certain niveau, nous nous ouvrons aux autres ».

Vivre le changement du monde agricole et ses nouveaux métiers

Aujourd’hui, l’agriculture est en pleine mutation, elle est confrontée à de nombreux enjeux notamment environnementaux et doit évoluer pour pouvoir y répondre. Ce méthaniseur, par exemple, permettra de valoriser 11 000 tonnes/an de déchets agricoles et de cultures énergétiques. Son résidu, baptisé digestat, sera aussi utilisé pour les cultures comme un engrais. Ce qui limitera les coûts et l’impact néfaste des produits actuellement utilisés dans les exploitations.

Mais ce changement reste un véritable défi pour ces six agriculteurs. « Nous, on met tout sur la table. On s’engage tellement personnellement et financièrement qu’on a besoin que ça marche », analyse Christophe Robin.

L’ampleur du projet est conséquente. Ce ne sont pas moins de 7 M€ investis pour la construction du méthaniseur. « On n’a pas le droit à l’erreur. Si cela ne fonctionne pas, c’est toute mon exploitation que je perds », ajoute l’agriculteur.  Ce qui ne l’empêche pas, lui et ses associés, de maintenir leur envie et leur engagement. « C’est une nouvelle activité, un nouveau métier que l’on apprend », précise Romuald Ameline, « découvrir de nouvelles technologies, de nouveaux processus de production, c’est passionnant. D’autant que cela nous fait vivre et participer à ce changement que vit le monde agricole depuis plusieurs années ».

Ici, l’unité de méthanisation de Thoiry. © CD78 / N.Duprey

Un méthaniseur, c’est quoi ? 

Pour comprendre le fonctionnement d’un méthaniseur, il faut comprendre le processus de digestion d’une vache. En effet, la décomposition des aliments produit grossièrement du méthane, qui est ensuite évacué par la bête. Un méthaniseur fonctionne de manière identique. Les déchets agricoles sont stockés dans une cuve (estomac). Privés d’air, ils sont ensuite attaqués par des bactéries qui lancent la décomposition de la matière organique, créant ainsi une fermentation. Chauffée et brassée, cette matière organique baptisée digestat va ainsi émettre du biogaz, le méthane. Celui-ci peut ensuite être injecté dans le réseau de gaz naturel qui alimente les villes en énergie. Le digestat, qui est le résidu issu de la fermentation, sera récupéré en sortie de méthaniseur et utilisé comme engrais sur les exploitations agricoles. L’unité de méthanisation permettra