La Lanterne, gentilhommière bien gardée de la République

SandrineGAYET

A l’abri du château de Versailles, la résidence de La Lanterne passe pour le plus secret des domaines de la République. C’est là que le Président Emmanuel Macron est resté confiné après avoir été touché par la Covid-19. Un lieu hautement gardé qui a vu passer la grande et la petite histoire de France…

La Lanterne, résidence secondaire des présidents de la République française. Photo/Elysée

La Lanterne, tout le monde en parle, peu la connaisse. Cette résidence est un des domaines les mieux gardés de la République, un des plus secrets aussi.

La « garçonnière » de la République

Dans un livre étonnant de confidences et de révélations mais aussi de rumeurs croustillantes, « La garçonnière de la République » (Émilie Lanez, éditeur Grasset, 2017) La Lanterne dévoile quelques secrets sur ce qui pouvait  s’y dérouler :

« Caché par des arbres centenaires, protégé par des dizaines de caméras à infrarouge, le petit palais est invisible. Ce qui se trame au fond du parc de Versailles nous échappe : la royauté a des charmes que la démocratie ignore…
Ceux qui ont été invités à La Lanterne affectent d’avoir tout oublié. François Hollande lui-même, pourtant prolixe, fait répondre qu’il peut parler de tout, tout… sauf de La Lanterne, le lieu le plus secret de la République.

« Maîtresses, courtisans, copains, chanteurs… s’adonnent ici à mille caprices.
Dans ce décor charmant, les personnages s’appellent Cécilia et Carla Sarkozy, Valérie Trierweiler et Julie Gayet, François Mitterrand, Jacques Chirac, André Malraux, sans oublier les jardiniers, serveurs, cuisiniers et gardes du corps. Les réveillons du président, les serviettes armoriées pour les amis, les visiteurs du dimanche, et les draps blancs froissés au petit matin… Cinquante ans de vie politique française dévoilés. »

Un modeste pavillon de chasse très lumineux

Cette propriété au cœur de Versailles, à l’orée du château, n’était à l’origine qu’un modeste pavillon de chasse de trois pièces, construit pour le comte Philippe de Noailles. En 1760, ce gouverneur de Versailles et capitaine des chasses royales a reçu de Louis XV un terrain « dans le parc de Versailles, derrière la Ménagerie », avec ce petit pavillon. De nombreux travaux furent entrepris.
Selon toute apparence, c’est la luminosité exceptionnelle du lieu qui lui vaut alors le nom de «Lanterne », grâce aux 36 portes-fenêtres qui laissent entrer le soleil tout au long de la journée. Elle est vendue comme bien national en 1794 et achetée par des propriétaires privés.

La Lanterne vue du ciel/Pinterest

Les ors de la République, les dollars américains

En 1818, le roi Louis XVIII rachète le pavillon. Après une grande campagne de travaux, la résidence entre dans le Domaine de la Couronne en 1824. S’ensuit une longue période de locations à différentes figures de la vie politique ou de l’enseignement supérieur, souvent liées aux écoles militaires ou agricoles voisines.
Dans les années 1880, le pavillon est loué à des particuliers, d’abord au baron Maurice de Hirsch, puissant financier, puis à l’américain James Gordon Bennett, qui renoue avec la vocation d’origine du bâtiment en y organisant des grandes chasses. Par la suite, La Lanterne passe sous la tutelle du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1920.
Après une période d’occupation par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, le président du Gouvernement provisoire, Félix Gouin, s’y installe. Des travaux permettent l’aménagement de salles de bain et du chauffage central. Puis pendant près de dix ans, entre 1949 et 1957, La Lanterne accueille les fastueuses réceptions d’un locataire américain, l’ambassadeur David Bruce.

Apanage des Premiers ministres puis des Présidents

En 1959, à la demande du président Charles de Gaulle, le pavillon connaît une nouvelle affectation : il devient la résidence secondaire du Premier ministre. Michel Debré, qui occupe alors cette fonction, y réside assidument. Georges Pompidou, qui lui succède en avril 1962, met La Lanterne à la disposition du ministre de la Culture, André Malraux, dont le domicile à Boulogne a été la cible d’un attentat de l’OAS. À son départ en avril 1969, avec la démission de Charles de Gaulle, La Lanterne redevient l’apanage des premiers ministres.
C’est en 2007, à la demande du président Nicolas Sarkozy, que La Lanterne passe des mains des premiers ministres à celles des présidents de la République.
Aujourd’hui, le pavillon de La Lanterne est la seconde résidence du Président de la République. Comme le Fort de Brégançon, dans le Var, elle permet d’accueillir le chef de l’État dans un superbe cadre très sécurisé.