Tribulations chez les « fous du vélo »

SandrineGAYET

Ce week-end caniculaire, j’envisageais une escapade nature dans les Yvelines, histoire de chercher un peu de fraîcheur. Las! C’est un tout autre programme qui m’est tombé dessus : couvrir les Championnats de France de cyclisme sur route qui se déroulent depuis jeudi à Mantes-la-Jolie. Autant annoncer la couleur tout de go : ce n’était pas gagné ! Je ne suis pas cycliste, mais alors pas du tout, et surtout, je n’y connais rien. J’y suis donc allée à reculons… et vous savez quoi ? J’ai a-do-ré !

CD78/MC.RIGATO

CD78/MC.RIGATO

La veille du jour J, hier soir donc, je relis ma feuille de route pour ce week-end « cyclistique » : prévoir d’être sur place dès 7h du matin « au plus tard » pour accrocher les coureurs avant la course, les interroger, et recueillir un maximum de témoignages… Sur le trajet vers cette mission désespérante à mon goût, j’ai essayé de trouver les questions à poser aux athlètes :

  • « Sérieux, avec ce vélo croyez-vous avoir une chance de gagner ? »
  • « Pourquoi êtes-vous là alors qu’un soleil de plomb va faire fondre le bitume et vos pneus avec ? »
  • « Pas terrible votre maillot, c’est vous qui l’avez créé ? »

Bref, des questions idiotes d’une journaliste sans imagination… Ou l’inverse !

Premiers contacts

Arrivée sans encombre sur le site (pour une fois, j’ai regretté que le fléchage soit si bien fait, je n’avais plus d’excuse pour dire que j’étais paumée dans la pampa), j’essaie de trouver mes marques. Entre les flammes et les tentes des sponsors, dont celles du Département des Yvelines, co-organisateur de l’événement, les camions des team vélo (j’ignore si cela s’appelle ainsi, mais ça fait un peu pro du vélo non ?), je commence à déambuler, bob rose logoté sur la tête (so chic !), carnet à la main, en quête des fameux coureurs et coureuses. Quand je rencontre enfin ma première cycliste qui s’élancera dans l’après-midi, trop contente, je lui barre le passage, lui tend mon smartphone branché en mode micro, et lui demande si elle ne craint pas cette chaleur écrasante. Je trouve sympa aussi de montrer la fragilité des champions, c’est rassurant pour nous autres… « Pas du tout, au contraire, j’aime bien, j’ai l’habitude » me répond-elle avec un franc sourire. Un coup d’œil discret sur son maillot, je découvre que j’interroge la championne de la Fédération… tahitienne, Poerava Van Bastolaire. Bon, ça commence mal me dis-je, la journée va être très longue. Et bruyante. Il faut compter avec les clameurs joyeuses des enfants, des parents, et surtout, les commentaires en live du grand pro du micro Daniel Mangeas. Je m’arrête écouter son récit de la course sous un haut-parleur, j’ai l’impression d’assister à un film d’Hitchcock : chaque tour de roue est une lutte, chaque virage un suspens intenable… magnifique !

J’abandonne vite le fil rouge de ma mission et opte pour aller à la rencontre du public. Un monsieur sur sa chaise pliante près de la ligne d’arrivée me semble une bonne cible. Je lui demande s’il est content d’être là (la question qui tue), s’il va souvent à ce genre de manifestation, qui plus est, jour de match France-Argentine. « J’ai trois filles qui courent tout à l’heure » me dit-il avec un sourire ému. Waouh, un papa fier, et il y a de quoi. Trois championnes potentielles dans la famille!! Encore raté. Il s’agit de Gilbert Mauger, président d’un club de Normandie, ses « filles » sont des coureuses qu’il entraîne et qui vont se lancer aux couleurs de la Team Leopard Normandie…

Toute la Bretagne est là!

Au fur et à mesure que la finale de la course en ligne amateurs approche, je me mêle à la foule qui s’accroche aux barrières. Daniel Mangeas fait monter la pression en accélérant le débit de ses commentaires, on ne voit rien mais on devine qu’à 13 km de l’arrivée, il se passe de drôles de trucs entre les coureurs. Que le 4ème passe 3ème puis reperd du terrain ou inversement… bref, ça pédale dur pour décrocher un podium. J’entends que « les 4 chemins de Roanne et CC Nogent se battent devant les Hauts-de-France »… Houlà, c’est quoi ce charabia ? J’apprends que l’on cite parfois (souvent ?) les clubs et sponsors pour désigner leurs champions. Traduction faite, il s’agit de Geoffrey Bouchard qui devient champion de France amateur devant Flavien Dassonville du club de Nogent-sur-Oise et Axel Flet des Hauts-de-France décroche la médaille de bronze. C’est plus simple en le disant ainsi non ?

Le long des barrières de sécurité, les gens ont chaud, mais ils semblent vraiment heureux. On se demande pourquoi. Le peloton passe si vite qu’il provoque un courant d’air et pschittt le spectacle est fini ! Prise dans l’effervescence de la finale et de la Marseillaise qui vient de résonner, j’oublie que je déteste le vélo et que je suis là pour interviewer des champions. En discutant avec les personnes alentour, j’ai l’impression que toute la Bretagne a fait le déplacement. Et que jeunes et séniors ici présents sont tous des doux dingos du vélo : Francine et Yvette, deux séniors sympathiques sont venues exprès de Bretagne. Si si, c’est vrai. Et que tous les ans, elles grimpent dans leur camping-car et se rendent sur les lignes de départ des Championnats cyclistes. Mais c’est la première fois, jurent-elles « que l’accueil pour les camping-caristes est aussi formidable ». Un autre couple, « Bretons du nord », a opté pour l’hébergement dans un gîte. Idem, chaque fois qu’ils le peuvent, ils font coïncider leurs vacances avec des compétitions cyclistes… ça me laisse perplexe.

Il y a aussi les « Vamps », surnoms qu’elles se donnent dans un éclat de rire. Ardoisières angevines à la retraite, elles me racontent tous les Championnats auxquels elles ont assisté en famille aux quatre coins de l’Hexagone et leurs souvenirs « incroyables » au Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines. Des fous du vélo qui communiquent leur passion en toute simplicité mais avec un enthousiasme épatant.

Bon là, les pros femmes vont bientôt franchir la ligne d’arrivée. Je vais donc assister à l’événement avec une émotion sincère. Je me suis complètement prise au jeu. Demain, je serai là, avec toute l’équipe du Département mobilisée et tous les bénévoles qui font un boulot formidable et rendent une mission partie pour être une galère en un weekend mémorable. Vive le vélo !