Comment un chiot devient-il chien guide pour aveugles ou malvoyants ?

SandrineGAYET

Pour le savoir, nous sommes allés à Buc où l’École de Chiens Guides de Paris, association loi 1901, a ouvert en 2015 son centre d’élevage et d’éducation, un des rares de France. Ici, naissent près de 80 chiots par an : des Golden Retriever, des Labradors et des Labradoodles, croisés labrador-caniche. L’association est financée principalement grâce à la générosité du public, dons, legs, assurance-vie et mécénat. Elle recherche des familles d’accueil.

Cécile Betremieux, référente d’élevage, nous présente Scylla une affectueuse Golden Retriever et ses adorables bébés âgés de 5 semaines @CD78

Le centre d’élevage et d’éducation de l’École de Chiens Guides de Paris, situé à Buc, a 10 ans. C’est ici que sont formés les compagnons des aveugles et malvoyants, héros du quotidien qui leur permettent de créer du lien social et surtout, de vivre en pleine autonomie de façon sécurisée. Toutefois, il y a beaucoup de demandes et l’attente s’élève à environ deux ans pour les personnes déficientes visuelles. Car élever et éduquer un chien guide cela prend du temps (18 à 20 mois) et s’ils sont remis gratuitement aux personnes aveugles ou malvoyantes, le coût pour l’École de Chiens Guides de Paris est estimé à 25 000€ par animal. Pour soutenir l’association, rendez-vous sur leur site internet.

Naissances et premiers pas à Buc

Une jolie Golden Retriever et ses petits âgés de 5 semaines sont nés à Buc au centre d’élevage et d’éducation des chiens guides pour malvoyants @CD78

Tout commence à la maternité équipée d’une salle de soins, d’un espace pour mettre bas, d’une cour extérieure et même d’un lit pour le professionnel chargé de veiller sur les naissances. Cécile Betremieux, référente de l’élevage, nous présente Scylla une affectueuse Golden Retriever et ses huit adorables bébés âgés de 5 semaines. La rencontre avec cette magnifique fratrie de petites peluches est craquante. Si à la naissance ils sont sourds et aveugles, à ce stade, ils commencent à s’éveiller et à interagir. Comme dans une crèche pour enfants, ici, un espace d’éveil leur permet de s’adonner à toutes sortes de jeux. Cette période d’éveil dure environ trois mois durant lesquels ils sont progressivement habitués aux sons, aux odeurs et aux textures du monde extérieur. Ils découvrent aussi le monde extérieur, surtout le dernier mois à l’élevage : le centre commercial, le métro, le tram, le centre équestre, la ville, la marche en laisse…Dans cette crèche canine sont disposés des agrès d’entraînement et différentes surfaces sur lesquelles ils peuvent familiariser leurs coussinets et enregistrer ce qui est herbeux, bétonné, rugueux, lisse, creux, bosselé… autant d’éléments qui leur seront utiles, plus tard, quand ils guideront en ville ou dans n’importe quel environnement, leur maître malvoyant.

Famille d’accueil : « du bonheur mais un challenge »

Valérie Lestang qui accueille en ce moment Azar, en est à son 14ème chien en phase de sociabilisation chez elle@CD78

A l’âge de trois mois, le chien est confié à une famille d’accueil bénévole (le centre procure la nourriture et les soins vétérinaires) afin de poursuivre les bases de l’apprentissage.

« Nous avons un vrai besoin de familles d’accueil et de familles relais, donc que les Yvelinois intéressés n’hésitent pas à nous contacter », précise Annaëlle Rey-Herme, chargée de la communication de l’École de Chiens Guides de Paris.

Devenir famille d’accueil, c’est beaucoup de bonheur mais un véritable engagement à 100% auquel il faut bien être préparé. Valérie Lestang qui accueille en ce moment Azar, en est à son 14ème chien en phase de sociabilisation chez elle.

« Au départ, ce n’était pas du tout prévu, je n’avais même jamais eu de chien de compagnie. Au gré d’une rencontre, je me suis lancée. La première séparation, ce fut beaucoup de pleurs mais un grand bonheur d’avoir pu contribuer à faire quelque chose pour une personne aveugle ou malvoyante ».

Ce qui est demandé aux familles d’accueil, c’est de vivre 24h/24 et 7j/7 avec l’animal. Il faut l’emmener partout (au travail avec l’accord de l’entreprise, dans les magasins, au cinéma, dans les transports en commun…) afin qu’il découvre et se familiarise avec des lieux aussi divers que variés et des ambiances multiples. « Je lui enseigne aussi, avec l’aide de l’École, tout ce qui relève du savoir-vivre », ajoute Valérie.

Veski a détecté le vide et amené son maître en terrain sûr, en trouvant la sortie par les escaliers @CD78

La famille d’accueil est accompagnée par l’association. Des séances de travail, individuelles ou collectives, ont lieu très régulièrement avec un éducateur du centre. Puis le chiot passe un certificat d’entrée en éducation. Là, son obéissance est jugée.  S’il réussit l’examen, il rentre en éducation pendant six à huit mois. « Il apprend à se déplacer, les directions, à chercher des solutions, mais aussi à éviter les obstacles, à rechercher un lieu (abri bus, métro, composteur de ticket…) », précise Annaëlle Rey-Herme.

Le chien passera un certificat d’aptitude au guidage avec son éducateur, à « l’aveugle » sur un trajet. Si le chien réussit, il rejoindra une personne déficiente visuelle », détaille Annaëlle Rey-Herme.

Tous les chiens ne deviennent pas des guides pour personnes malvoyantes. Selon leurs dispositions et caractères, très vite repérés lors de leur apprentissage, ils peuvent sortir du cursus de chien guide et être réorientés vers des associations formant des chiens d’assistance ou alors ils sont proposés à l’adoption.

Une éducation hors norme

Sur le terrain d’entraînement de Buc, des passerelles ont été dressées avec des vides et des escaliers pour précisément travailler à cette prise d’initiative. Les exercices menés par Noémie avec Veski sont impressionnants @CD78

Le cœur de la mission future du chien guide sera d’être les « yeux » et la « vigie » d’une personne déficiente visuelle, partout, tout le temps ! La dernière phase de leur éducation est exceptionnelle, comme l’explique Noémie Katan, éducatrice sur le site de Buc : « Répondre aux ordres, apprendre à se déplacer aisément avec un harnais, c’est la base bien sûr. Mais il leur est aussi demandé de savoir chercher, par exemple une place assise ou une entrée de métro, de savoir contourner les obstacles sur un trajet ».

Enfin, ce qui rend ces compagnons uniques, c’est leur formation à la prise d’initiative et à la désobéissance en cas de danger. Le chien peut identifier un vide. Il doit alors refuser d’avancer et se coucher même si son maître insiste !

Sur le terrain d’entraînement de Buc, des passerelles ont été dressées avec des vides et des escaliers pour précisément travailler à cette prise d’initiative. Les exercices menés par Noémie avec Veski sont impressionnants.

Dès que le chien guide est revêtu du harnais ou d’un gilet bleu, il sait qu’il est au « guidage » et doit rester concentré. Il exercera son métier de guide pendant 10 ans auprès d’une personne aveugle ou malvoyante avant d’avoir droit à une retraite bien méritée.

Espace d’éveil et de jeux pour les chiots, centre d’élevage et d’éducation de chiens guides pour malvoyants à Buc @CD78

Quelques chiffres

L’École de Chiens Guides de Paris remet une trentaine de chiens guides par an ; Elle a remis plus de 1200 chiens guides depuis sa création en 1987 ; Environ 200 binômes maîtres/chiens guides sont en activité et suivis tous les ans.

L’école recherche aussi des familles relais (voir la vidéo de TV78)