Cohabitation intergénérationnelle : une solution « gagnant-gagnant »

Sandrine GAYET

Cet article fait partie du dossier: Le Salon E-Tonomy, rendez-vous phare de l’innovation sociale

Vivre chez soi le plus longtemps possible, c’est le vœu de la majorité des Français, à commencer par les personnes âgées. Une formule qui a fait ses preuves est celle de la colocation qui réunit sous un même toit, un étudiant et une personne âgée. L’association Ensemble2Générations est une des pionnières dans ce domaine.

La colocation intergénérationnelle, formidable formule pour le vivre ensemble et le maintien à domicile des personnes âgées. Photo d’illustration, Nicolas Duprey/CD78

Quand on demandait à Jean d’Ormesson quel conseil de vie il donnerait aux jeunes, il aimait répondre « qu’ils vivent avec une personne âgée ».
Une idée qui fait son chemin en France. Il y a eu bien sûr l’appel de l’abbé Pierre qui avait lancé son cri d’alarme sur la précarité des jeunes. Puis la tragédie de la canicule de 2003 qui a fauché de nombreuses personnes âgées isolées.
D’un côté, des jeunes dans le besoin, de logements surtout. Dans les grandes villes, les loyers, hors de prix, impactent sévèrement les étudiants. Nombreux sont ceux qui doivent cumuler études et petits boulots pour joindre les deux bouts.
De l’autre, des personnes âgées, seules. Des femmes, souvent, dont la pension de réversion est insuffisante pour vivre dignement.

Vivre ensemble au-delà des préjugés

Très tôt, Typhaine de Penfentenyo, très impliquée dans le milieu associatif et solidaire a eu l’idée de rapprocher ces deux publics.

« J’avais envie de lancer une structure qui crée des ponts entre diverses cultures mais aussi générations. En observant la situation des étudiants et des personnes isolées, on a créé Ensemble2Générations qui les rapproche. Elle assure un logement pour les jeunes, une présence pour les aînés».

Quelque 5 000 étudiants passent par Ensemble2Générations. L’association organise les entretiens, le suivi des « binômes » formés. « On fait en sorte que chacun dépasse ses préjugés, culturels et religieux, que chaque personne apprenne à se connaître avant de proposer qui va vivre avec qui. On organise des rencontres parfois improbables et cela marche de manière formidable !».
Les préjugés viennent souvent des personnes âgées, un peu dépassées par la société actuelle et ses évolutions. « Si l’on n’existait pas, si l’on n’était pas à leur côté, aucune personne âgée n’oserait accueillir un jeune, chez elle pour plusieurs mois», sourit Typhaine de Penfentenyo, présidente d’Ensemble2Générations.
Les « matching » jeunes/personnes âgées marchent à 100% car l’association respecte les désidératas de chacun. Si une personne âgée aime la musique, elle pourra accueillir un musicien, etc.

Un vivre ensemble qui prolonge l’autonomie

La colocation intergénérationnelle est une formidable thérapie pour les aînés et les observateurs constatent que cette formule favorise le prolongement du maintien à domicile et la lutte contre la perte d’autonomie. Héberger un jeune, ça booste.

Christiane, veuve de 78 ans, accueille pour la troisième année une étudiante dans son appartement :

« C’est une présence précieuse. Savoir qu’il y a quelqu’un dans l’appartement me rassure et même, je dors mieux, je souris plus et j’ai envie de faire des tas de choses ».

C’est du « gagnant-gagnant » : car les étudiants aussi peuvent être confrontés à de grands moments de solitude. « On a sorti des jeunes de la rue qui aujourd’hui ont pu faire des études dans des conditions sereines et pour qui vivre avec une personne âgée a été une expérience enrichissante, de partage et de solidarité. »

Et dans une société qui « s’ubérise », ceux qui ont recours à de l’habitat inclusif font une sorte de résistance. Pour Typhaine de Penfentenyo,

Un jeune qui s’engage auprès d’une personne âgée, c’est un vrai service civique ! 

L’association essaime déjà dans plusieurs pays (Canada et DOM-TOM) et dans les Yvelines, où elle est déjà bien ancrée, se développe également l’installation de jeunes dans des résidences autonomie, un partenariat ayant été signé avec la société Saint-Vincent de Paul (réseau catholique laïque de charité de proximité, au service des personnes seules ou démunies).

3 formules de cohabitation (voir détails sur le site)
– Le logement gratuit en contrepartie d’une présence régulière le soir
– Un logement à coût économique avec le partage de moments particuliers (lecture, aide informatique, sorties…)
– Le logement solidaire avec une veille passive